1jour1actu : Isadora, pourquoi vous êtes-vous intéressée aux jeunes emprisonnés aux États-Unis ?

Isadora Kosofksy : Je suis américaine et je suis très préoccupée par cette question : les États-Unis sont le pays où il y a le plus grand nombre de prisonniers au monde. Surtout, aux États-Unis, il n’y a pas d’âge limite pour être incarcéré : on peut se retrouver en prison à 9 ans ! C’est un véritable traumatisme pour ces jeunes. Un ami à moi a été incarcéré alors que nous avions 14 ans : j’ai été très choquée !

Vos photos montrent notamment le quotidien de Vinny, 13 ans, détenu dans une prison du Nouveau-Mexique : pouvez-vous nous raconter son histoire ?

Isadora Kosofksy : Vinny a été emprisonné après avoir blessé un homme qui agressait régulièrement sa mère. Je l’ai rencontré alors que je faisais des photos dans le centre pénitentiaire où il était détenu. La confiance est venue très vite.  Plus tard, il m’a expliqué que c’était la première fois que quelqu’un prenait le temps de l’écouter. Et quand il est sorti de prison, j’ai continué à le suivre, lui et sa famille.

Vinny (13 ans) avec sa mère Eve, lors d’une visite. « Maman, fais-moi sortir d’ici ! Sors-moi d’ici, maman ! ». Établissement pénitentiaire pour mineurs, comté de Bernalillo, Albuquerque, Nouveau-Mexique, 2012 (© I. Kosofky)

Vous avez photographié le quotidien de Vinny et sa famille pendant 5 ans !

Isadora Kosofksy : Oui ! Je restais parfois 15 heures d’affilée chez eux, et ça, pendant des semaines ! Mais, en fait, je passais plus de temps à les écouter qu’à les photographier. Ainsi, j’ai pu pénétrer dans l’intimité de cette famille et assister à l’engrenage que peut représenter la drogue, la prison, la violence, etc. Aujourd’hui, Vinny a 18 ans et il est fier de ces photos. Elles font exister des personnes vulnérables, dont on parle peu.

Est-ce difficile d’obtenir les autorisations de faire des photos en prison                         aux États-Unis ?

Isadora Kosofksy : Oui extrêmement. Adolescente, je voulais déjà être photoreporter. Tous les soirs, après le collège, j’allais à la bibliothèque pour consulter des livres de grands maîtres du photoreportage et à 15 ans, j’ai fait ma première demande pour faire un reportage en prison. C’est 3 ans plus tard, à l’âge de 18 ans, que j’ai enfin obtenu l’autorisation, et j’ai pu commencer à travailler sur le sujet !
 

Alysia (16 ans), une autre adolescente qu’Isadora a suivie, réconforte sa codétenue Jasmine (15 ans), qui vient d’apprendre le décès de son grand-père. Établissement pénitentiaire pour mineurs, comté de Bernalillo, Albuquerque, Nouveau-Mexique, 2012 (© I. Kosofky)