1jour1actu : Alors, Armel, impatient de partir pour trois mois, tout seul, face aux pires éléments ?

Armel Le Cléac’h : Oui, très impatient pour essayer, enfin, de gagner ! En partant et en revenant aux Sables-d’Olonne, devant des milliers de spectateurs, formant une émouvante haie d’honneur, comme jamais dans le sport, ce tour du monde est mon défi suprême : mes Jeux olympiques à moi !

Trois mois en solitaire, au beau milieu de l’océan, n’avez-vous pas peur de vous ennuyer ?

Armel Le Cléac’h : Jamais ! Sur mon monocoque, parfois, je n’ai même pas trop le temps de dormir. En général, je dors par tranche de vingt minutes ou d’une heure et demie.

Jamais plus ?

Armel Le Cléac’h : Ah non, surtout pas ! Sauf si mon bateau est scotché dans la pétole. Sinon, comme le lait sur le feu, il exige une surveillance et des réglages de tous les instants. Ainsi, je passe beaucoup de temps à ma table à cartes pour étudier la météo, pour chercher les meilleurs vents. Puis, sur le pont, où je manœuvre toujours attaché à ma ligne de vie, comme à l’Accrobranche, pour ne pas être éjecté par-dessus bord. Sinon, je suis mort !

Et quand vous dormez, qui s’en occupe ?

Armel Le Cléac’h : Comme sur un avion, un pilote automatique prend le relais ! Mais, dans l’idéal, pour gagner cette bataille navale de longue haleine, je dois m’en occuper au maximum.

Au fil de 45 000 kilomètres, où sont les dangers ?

Armel Le Cléac’h : Partout, partout ! De jour comme de nuit, la vigilance s’impose, à cause des voies maritimes, très fréquentées par des tankers, des tempêtes, des objets flottants, comme des morceaux de bois ou de plastique pouvant percer ma coque, des baleines pouvant faire aussi de gros dégâts. Et, sans compter l’enfer des mers du Sud…

…Quel enfer ?

Armel Le Cléac’h : Au bout de notre Terre, les vagues, parfois hautes de 10 mètres, soulèvent des tempêtes comme nulle part ailleurs. Avec le froid glacial par-dessus, c’est super chaud ! Au beau milieu, les growlers, véritables mines flottantes, obligent à un slalom dangereux.

Ah oui, en effet, pas le temps de s’ennuyer…

Armel Le Cléac’h : … Oh, que non ! Il y a 4 ans, le Vendée a été gagné en un record de 78 jours. Alors, tu vois, pas trop le temps de faire la grasse matinée dans ma bannette ! De toute manière, tout au long de ce tour du monde, je dors d’un œil et d’une oreille : je suis toujours à l’affût du moindre bruit étrange, synonyme de problème(s)…
 

Aux Sables d’Olonne (Vendée), Sophie Greuil