(© J. Doré).

1jour1actu : On connaissait la greffe de rein, de cœur, ou encore de peau. Mais une greffe de caca, est-ce vraiment sérieux ?

Joël Doré : Très sérieux ! On prélève une petite quantité de selles d’une personne en bonne santé, qu’on met dans un mixeur avec de l’eau purifiée. Un petit coup de moulinette, puis cette mixture est introduite dans le corps du malade : soit en passant par l’anus grâce à une sonde, soit au moyen d’un tuyau qui descend par le nez jusqu’à l’intestin.

Merci pour les détails ! Expliquez-nous le principe de cette greffe.

Joël Doré : Pour comprendre, il faut revenir à l’intestin. L’intestin, c’est une réserve naturelle où s’activent des centaines de milliards de bactéries. L’immense majorité des bactéries font des tas de choses indispensables au bon fonctionnement de notre corps. Mais, parfois, une mauvaise bactérie, présente dans de l’eau polluée ou sur un légume mal lavé, s’introduit dans l’intestin. Elle s’y installe et prolifère, comme les mauvaises herbes dans un jardin.

Alors il faut se mettre à jardiner…

Joël Doré : Exactement. Et pour ça, il y a plusieurs options : la plus simple est de renforcer les bonnes bactéries pour qu’elles luttent contre les mauvaises. Comme on met de l’engrais sur des graines. Et les fruits et légumes sont de formidables engrais pour développer les bonnes bactéries ! L’autre solution, c’est de manger directement de bonnes bactéries, naturellement présentes dans la choucroute ou les yaourts, par exemple.

Et la greffe fécale, alors ?

Joël Doré : Là, on prend les bonnes bactéries d’une personne en bonne santé. Puis on les introduit dans l’intestin d’un malade. Elles vont s’y développer, et finir par terrasser les mauvaises. Et où les trouve-t-on ces bonnes bactéries ? Dans les selles d’une personne bien portante.

Comment se retrouvent-elles là ?

Joël Doré : Les selles sont la matière que l’intestin rejette après la digestion. Donc les bactéries se retrouvent dans le caca : si notre intestin est plein de bonnes bactéries, nos selles seront pleines de bonnes bactéries. Si notre intestin est plein de mauvaises bactéries, nos selles en seront pleines.

Cette technique marche-t-elle pour toutes les maladies ?

Joël Doré : Pour l’instant, elle soigne une seule maladie, qui touche des personnes fortement gênées par de constantes diarrhées. La greffe fécale introduit dans leur ventre une bactérie particulière, qui permet à 9 personnes sur 10 de guérir. C’est une réussite phénoménale.

Pensez-vous que d’autres maladies seront bientôt soignées de cette façon ?

Joël Doré : Des centaines d’essais sont en cours pour soigner des problèmes de ventre, mais aussi d’autres maladies qui semblent n’avoir rien à voir, comme l’autisme ou même la dépression.

Cela ouvre donc de grands espoirs…

Joël Doré : Des espoirs immenses. On réalise à peine en Occident l’importance du ventre sur notre corps.