J’ai eu beaucoup de chance
Annette Klopstein a 5 ans lorsque son père, parce qu'il est juif, est arrêté. La fillette s'enfuit alors avec sa mère et son frère, Serge, en Lozère. Ils vivront là, cachés, jusqu'à la fin de la guerre.

Les Clés junior : Comment cette vie secrète a t-elle commencé pour vous ?
Annette Klopstein : Tout a commencé en avril en 1944. Nous habitions à Brive-la-Gaillarde, en Corrèze. Un jour, papa apprend que des voisins lâ??ont dénoncé : non seulement, il est juif mais il est aussi résistant, ce qui est une double faute aux yeux des Allemands. Il demande à ma mère de nous conduire de toute urgence en Lozère pour se cacher.
Et votre père ?
Il dit quâ??il nous rejoindra. Il a dâ??abord un travail à livrer. En fait, il est arrêté le jour même à 18 heures 30.
Comment se déroule le voyage en Lozère ?
Je ne me souviens que dâ??une chose : nous arrivons à la gare à 18 heures. Comme il nâ??y a pas de train avant le lendemain, un cheminot nous propose de dormir dans un wagon. Et là , durant la nuit, le train est visité : des soldats nous braquent une lampe torche dessus. Ils nous dévisagent etâ?¦ tournent les talons sans nous demander nos papiers ! Câ??est un miracle : nous aurions pu être immédiatement conduits en camp de concentration. Cette nuit-là , jâ??ai eu très peur. Et ma mère en a été traumatisée pour toujours.
Quels souvenirs gardez-vous de ce qui suit ?
En Lozère, je me souviens que nous changions sans arrêt de maison sûrement pour brouiller les pistes. Jâ??étais insouciante. Je jouais dans la nature sans notion du danger.
Que décide votre mère à la fin de la guerre ?
Nous rentrons à Brive. Notre maison a été saccagée. Les Allemands ont tout pris. Nous sommes alors très pauvres. Mais le plus dur pour moi, câ??est dâ??apprendre que mon père est mort. Durant tous ces mois, on mâ??avait dit quâ??il allait revenir. Il mâ??a beaucoup manqué.
Que faites-vous aujourdâ??hui ?
Je suis à la retraite. Jâ??ai donc du temps libre pour aider les autres. Je soutiens dâ??autres personnes qui ont vécu cachées, comme moi. Certains nâ??ont jamais surmonté ce drame. Je les écoute. Jâ??essaie de les réconforter et dâ??obtenir pour eux un peu dâ??argent en réparation de ce quâ?