Le 8 mai 1945, nous n’étions pas mécontents
Le 26 octobre 1943, Hans Flindt est enrôlé dans la Wehrmarcht, l'armée allemande, et rejoint les troupes stationnées à Brest. Il a alors 17 ans et 2 mois : il ne sait pas encore qu'à la guerre, il va rencontrer… l'amour. Aujourd'hui cet ancien soldat allemand vit en France !

Qu'avez-vous ressenti quand vous avez été mobilisé ?
J'étais très jeune, mais il fallait suivre le mouvement, c'était comme ça. Il faut bien comprendre que nous n'avions absolument pas le choix.
Quand les Alliés ont débarqué en juin 1944, comment imaginiez-vous la fin de la guerre ?
On savait déjà que c'était fini pour nous… On se doutait bien que les Américains ne venaient pas nous apporter des chocolats ! J'ai été fait prisonnier le 21 août 1944 avec plusieurs milliers de soldats allemands. C'était pas joli à voir, il y avait beaucoup de morts d'un côté comme de l'autre.
Dans quelles conditions avez-vous été prisonnier ?
On est parti en train vers des camps en Normandie : on dormait sous des tentes. Nous n'avons jamais été mal traités… Je surveillais le ravitaillement et je prenais souvent des boîtes de conserve : les Anglais le voyaient très bien, ils blaguaient en disant : « Attention ils vont réussir à fabriquer un char avec toutes ces boîtes ». Ensuite, nous avons intégré une ancienne ferme : nous étions 25 avec un seul gardien. Mais nous n'avions aucun intérêt à nous échapper.
Qu'avez-vous ressenti à la capitulation de l'Allemagne le 8 mai 1945 ?
On n'était pas mécontents ! (sauf que les Anglais nous ont supprimé la moitié de notre ration alimentaire ce jour-là… ). On allait enfin pouvoir rentrer chez nous…
Et vous êtes rentrés en Allemagne?
Non car les Anglais nous ont donnés aux Français qui avaient besoin de « bras » pour reconstruire le pays. Moi j'étais électricien alors je faisais des travaux à droite à gauche, dans les fermes… Et en septembre 1945, je suis devenu travailleur libre en France : j'ai continué à travailler dans les carrières de Vignas (en Normandie).
Alors pourquoi n'êtes-vous pas rentré ?
Car les Russes avaient envahi la partie de l'Allemagne où j'habitais : j'étais beaucoup mieux en France ! En plus je suis tombé amoureux de Marie-Thérèse… Je l'ai épousée en 1948, et finalement je ne suis jamais retourné en Allemagne. Nous avons eu 6 enfants !
Etait-ce difficile d'être un Allemand en France, à la fin de la guerre ?
Oui, et ça l'est encore aujourd'hui. À la fin de la guerre, des Français m'ont traité de SS, de « sale boche »… Encore récemment on a dit à ma femme qu'elle n'avait rien à faire en France, que nous aurions dû retourner en Allemagne. Nos enfants ont souvent été embêtés à l'école…
Comment réagissez-vous à tout cela ?
Ça m'a souvent attristé, mais je n'ai jamais montré ma colère… J'ai préféré être diplomate : il y a des imbéciles partout, en France et en Allemagne. Mais aujourd'hui, j'aimerais tant que les peuples vivent en paix…
Travailleur libre : après la guerre les prisonniers allemands ont eu la possibilité de travailler en France : ils recevaient un salaire et avaient un mois de congés payés.
SS : les SS étaient les membres