Dans le monde, 264 millions de jeunes de 5 à 17 ans travaillent*. Ce chiffre a baissé ces 15 dernières années car dans de nombreux pays, il existe désormais des lois pour limiter le travail des enfants. La situation est moins connue, mais en Europe, aussi, il y a des enfants et des ados qui travaillent : ainsi, ils seraient près de 20 enfants sur 100 en Albanie et 5 enfants sur 100 en Italie. Pendant plusieurs mois, la journaliste Cécile Allegra a enquêté sur le sujet, c’est ce qu’elle raconte dans son livre Le Salaire des enfants, paru en mars aux éditions Stock.

Comment est venue l’idée de cette enquête ?

Cécile Allegra : J’étais assise à une terrasse de café, à Naples, en Italie, et j’ai vu arriver avec surprise un enfant avec un plateau et des cafés. C’est à ce moment que j’ai décidé d’enquêter : j’ai compris que si on voyait de plus en plus de jeunes travailler, c’était en lien avec la grande crise économique de  2008. Dans de nombreux pays d’Europe, les familles reçoivent moins d’argent de la part de l’État. Les enfants travaillent alors pour aider leur famille.

Où avez-vous enquêté ?

Cécile Allegra : En Italie, dans les environs de Naples, en Angleterre, dans un endroit où il y a beaucoup de chômage à cause de la fermeture des usines, mais aussi en Bulgarie. J’y ai découvert que des enfants travaillent dans des champs de tabac. J’ai aussi enquêté en France sur les apprentis et les problèmes de ce système.

Quel travail font les jeunes que vous avez rencontrés ?

Cécile Allegra : Plutôt des métiers de service : porteurs de courses, serveurs dans des cafés, ils aident dans les arrière-boutiques. En Angleterre, c’est plutôt du travail familial, dans les commerces (par exemple dans une jardinerie ou comme livreur de lait), ils travaillent plus de 30 heures par semaine.

Combien gagnent-ils ?

Cécile Allegra : Cela dépend des pays. En Italie par exemple, c’est 60 à 70 euros la semaine. Giovanni [serveur à 13 ans, NDLR] était payé au pourboire, il pouvait travailler 6 à 7 heures et gagner 12 euros.

Qu’en disent les enfants ?

Cécile Allegra : Ils pensent ce que pensent leurs parents : ce n’est que provisoire, ils pensent à un futur meilleur… Or le premier garçon que j’ai rencontré, Giovanni, travaille toujours. Quand un enfant travaille trop tôt, sa scolarité s’en ressent beaucoup. Il s’endort à l’école car il est fatigué, il n’y va parfois plus.

Quels problèmes cela pose-t-il ?

Cécile Allegra : Les lois ne sont pas toutes les mêmes en Europe. Dans certains pays, comme l’Italie, il y a beaucoup d’abus sur les horaires de travail. Ce travail échappe à tout contrôle. Les pays et l’Union européenne ne sont pas vraiment conscients de la situation.

*selon l’Organisation mondiale du travail.

Propos recueillis par Estelle Faure

Que dit la loi en France ?

  • Un enfant de moins de 14 ans peut travailler dans une entreprise de spectacle, de cinéma, à la télé, à la radio ou comme mannequin, s’il a une autorisation.
  • Entre 14 et 16 ans, il peut travailler pendant les vacances pour des « travaux légers ».
  • À partir de 16 ans, un ado peut travailler, sauf si le métier est dangereux pour sa santé ou risqué (par exemple travailler la nuit ou en hauteur dans les arbres). Mais il existe de nombreuses dérogations.