« Voilà deux nouveaux arrivants ! » Il est 18h00 au Refuge solidaire : ce centre héberge des migrants à Briançon (Hautes-Alpes), à 11 km de l’Italie. À leur arrivée, on leur donne un bol de thé pour se réchauffer et on vérifie que leurs pieds ne sont pas gelés. Cette nuit-là, ils seront 20 nouveaux, dont Adama. Il raconte qu’il a 16 ans et qu’il a quitté seul son pays, la Côte d’Ivoire, il y a plus d’un an.
 

Refuge solidaire Briançon

La frontière au col de Montgenèvre (1 860 m d’altitude). Bruno, un habitant de la région, a déjà secouru des migrants au col de l’Echelle (1 762 m), l’autre point de passage : Il y a une vraie solidarité montagnarde, explique-t-il. À la montagne, tu ne laisses pas quelqu’un dans le froid, c’est dangereux, il risque la mort. Depuis cet été, l’hôpital de Briançon a soigné 350 migrants (© Estelle Faure).

« On est là pour leur porter secours »

Depuis 2 ans, de plus en plus de migrants tentent de passer en France, d’abord en bus ou en train jusqu’à la frontière, côté italien. Puis ils finissent souvent à pied. Ils empruntent parfois des chemins très enneigés en ce moment.
Comme ils n’ont pas d’autorisation pour entrer en France, ils attendent la nuit pour éviter la police. Ils paient parfois des passeurs. Des maraudes sont organisées par des bénévoles pour les recueillir.
En janvier, Philippe a trouvé un couple de Nigérians avec leur bébé de 14 mois. Il les a accueillis chez lui. « On est là pour leur porter secours. Il y a 3 jours, il faisait – 20 °C. Ils arrivent avec un petit sac, des baskets, pas de chaussettes. » Philippe redoute de trouver un jour un migrant mort en montagne.

Des centaines d’habitants mobilisés

Le Refuge solidaire a ouvert en juillet grâce à la mobilisation de la population, notamment du collectif Tous migrants, et du soutien de la mairie. En 6 mois, il a accueilli 2 290 migrants.
Dons de vêtements, repas, soins, informations sur leurs droits… des centaines d’habitants bénévoles se sont mobilisés. « On gère l’urgence, mais on va vite être dépassés, dit Philippe. Il faut que l’État et les politiques prennent le relais. »
Pour avoir aidé des migrants, des bénévoles ont été interrogés par la police. Ils risquent des poursuites en justice. Certaines personnes disent que cette aide pourrait pousser d’autres migrants à venir.

Refuge solidaire Briançon

Ce soir-là, au Refuge, une cinquantaine de migrants sont hébergés alors que le bâtiment est prévu pour 16 lits. À Briançon, il y a aussi un maison, Chez Marcel, et environ 150 familles ont aussi hébergé des migrants.  Le 115 (numéro d’urgence pour sans-abri) et la préfecture proposent aussi des places mais en nombre limité. Sur les photos, tu ne peux pas voir le visage des migrants : de peur d’être reconnus et d’avoir des problèmes, ils ne voulaient pas être pris en photo de face. (© Estelle Faure)

« Je veux aller à l’école »

Comme Adama, la plupart de ces migrants viennent de pays francophones d’Afrique de l’Ouest : Guinée, Mali, Côte d’Ivoire… Ce sont surtout des hommes. La moitié d’entre eux disent être mineurs. Si c’est le cas, ils doivent être logés, scolarisés… C’est le rêve d’Adama : « Je veux aller à l’école et apprendre un métier. Si la France m’accepte, je suis prêt à tout faire. »
Mais Briançon n’est souvent qu’une étape. Certains migrants prennent le train pour Paris par exemple ou pour Marseille, pour déposer une demande d’asile.

Inquiétude pour les migrants…

Selon la préfecture des Hautes-Alpes, 1 899 migrants « en situation irrégulière », c’est-à-dire sans papiers, ont été refusés à la frontière en 2017. Ils étaient 315 en 2016.
L’État français dit vouloir mieux accueillir les réfugiés et souhaite renvoyer ceux qui n’ont pas obtenu de papiers. Mais des associations et des avocats s’inquiètent pour le respect des droits des migrants en France (possibilité de demander l’asile, renvoi de mineurs étrangers…).

Estelle Faure