1jour1actu : De nombreuses professions vont faire grève aujourd’hui, mais pourquoi parle-t-on autant de la grève dans les transports en commun ?

Stéphane Sirot est historien, spécialiste des mouvements sociaux.


Stéphane Sirot : Pour qu’une grève ait des chances d’aboutir, elle doit être visible et elle doit déranger. Ce sont deux ingrédients indispensables. Quand les transports en commun s’arrêtent, cela se voit à travers les embouteillages monstres, et cela gêne des millions de personnes qui ne peuvent plus se déplacer. Conséquence : tout le monde parle de la grève dans les transports.

1jour1actu : Ce secteur des transports a-t-il toujours connu des grèves ?

Stéphane Sirot : Oui… depuis les débuts du chemin de fer. Les cheminots ont vite compris qu’ils possédaient un moyen de pression fort. S’ils cessaient le travail, les personnes et les marchandises étaient bloquées. D’autres professionnels, comme les électriciens, ont aussi compris quel pouvoir ils avaient entre les mains : sans énergie, l’économie d’un pays s’arrête.

1jour1actu : Qu’est-ce que cela nous enseigne sur notre monde actuel ?

Stéphane Sirot : Concernant les transports, cela montre la place considérable qu’ont prise les déplacements dans nos vies. Jamais, dans l’histoire, les hommes ne se sont autant déplacés, et en aussi grand nombre.

1jour1actu : Quelle en est la raison ?

Stéphane Sirot : Il y a plusieurs raisons, mais celle du travail est majeure. Autrefois, tout le monde ou presque travaillait près de son lieu d’habitation. Aujourd’hui, des millions de personnes, surtout en région parisienne, font parfois plus de 3 heures de transport quotidien pour leur aller-retour domicile-travail. Car le prix des logements est devenu très élevé. Il faut habiter toujours plus loin du centre-ville pour pouvoir se loger à un prix raisonnable.

1jour1actu : Les familles sont aussi de plus en plus éparpillées sur le territoire…

Stéphane Sirot : Oui, c’est vrai. Auparavant, les grands-parents, les cousins, les oncles, les tantes vivaient dans une même ferme, un même village. Aujourd’hui, il faut multiplier les déplacements pour recréer cette grande famille le temps d’une fête comme Noël, ou lors des grandes vacances.

1jour1actu : Le développement du vélo ou de la trottinette peut-il diminuer les effets de la grève dans les transports en commun ?

Stéphane Sirot : C’est bien que ça se développe, mais cela ne change pas grand-chose car il faudrait autant de vélos et de trottinettes qu’il y a d’usagers de transports en commun, c’est-à-dire des millions ! Et puis, quand une grève dure, ce n’est pas tenable. Pour beaucoup, le vélo est une solution d’un jour, pas de toujours.

1jour1actu : Pensez-vous possible que la grève dans les transports s’arrête le temps des vacances pour, justement, permettre aux familles de se retrouver ?

Stéphane Sirot : Si elle s’arrête, ce sera définitif. Une grève, c’est long à organiser. On ne peut pas envisager de faire une parenthèse. Si elle continue pendant les vacances, ce sera historique. Il est très rare qu’une grève traverse les fêtes de Noël. Ça n’est pas arrivé depuis plus de 30 ans !
 

Propos recueillis par Catherine Ganet