Isabelle Bruand organise le travail des différentes équipes de bénévoles de Médecins du Monde, qui donnent de leur temps pour venir en aide aux migrants, dans la « Jungle » de Calais.
1jour1actu : Dans quelles conditions vivent les migrants ?
Isabelle Bruand : « Dans le camp, que l’on appelle parfois « la jungle » ou « la lande », les migrants vivent sous des bâches et des planches. Depuis le mois de janvier, l’État a été obligé d’installer des toilettes chimiques et des points d’eau : mais il n’y a que de l’eau froide. Maintenant, les autorités ramassent aussi les ordures. Des containers en dur, chauffés, ont été installés pour permettre aux malades ou aux familles de dormir au chaud. »
Les migrants arrivent de quels pays ?
Isabelle Bruand : « Il y a beaucoup de Syriens, d’Irakiens, de Kurdes qui fuient la guerre en Syrie et la terreur de Daech. Des Érythréens fuient également le régime de leur pays. Et, depuis plus longtemps, des Afghans, des Iraniens et des Soudanais. Certains migrants sont partis depuis des années de chez eux… Dans la région Nord-Pas-de-Calais, notre association Médecins du Monde, travaille avec les réfugiés depuis près de 10 ans. Car, avant la « Jungle » de Calais, il y avait déjà un autre camp, tout près, à Sangatte… »
Quel est le rôle des bénévoles dans le campement ?
Isabelle Bruand : « Médecins du Monde accueille les migrants en transit, c’est-à-dire qu’ils sont de passage et ne veulent pas s’installer ici. Nos bénévoles sont des médecins et des infirmières : ils proposent des consultations médicales mobiles, dans des camions aménagés comme des ambulances. »
Comment les bénévoles communiquent-ils avec les migrants ?
Isabelle Bruand : « Des traducteurs nous aident par téléphone. C’est important de bien se faire comprendre quand on parle de la santé d’une personne. Mais beaucoup de réfugiés parlent aussi anglais. »
Comment se déroule une consultation ?
Isabelle Bruand : « On pose des questions sur la santé des personnes, s’ils ont eu des maladies, des opérations. En ce moment, comme on est en hiver, on soigne beaucoup de bronchites. Les réfugiés ont mal au dos, car ils ne dorment pas sur de vrais lits. Ils ont aussi des problèmes de peau à cause des mauvaises conditions de vie dans le camp. Nous leur donnons des médicaments gratuitement. Mais beaucoup de migrants renoncent à se faire soigner, car leur priorité est de partir d’ici… »
Quels sont les besoins d’urgence dans le camp ?
Isabelle Bruand : « Les migrants ont besoin de soutien psychologique. Ils ont tous vécu des choses très difficiles. Ils ont besoin d’en parler à des médecins psychologues pour aller mieux. Nous organisons des consultations où ils peuvent dessiner et raconter leur parcours. Mais nous manquons de bénévoles qui puissent nous aider dans cette tâche. »
Tout le monde n’est pas d’accord pour accueillir les migrants. Pourquoi ?
Isabelle Bruand : « Les conditions de vie des migrants sont inhumaines. Les personnalités politiques disent que si on les accueillait mieux, d’autres migrants viendraient, plus nombreux encore. C’est faux. Ils viendront de toute façon, car ils fuient la guerre et la mort. Si on les accueillait dans de meilleures conditions, cela apaiserait les tensions. Les droits humains ne sont pas respectés à Calais… »
1jour1actu s’est rendu dans la « Jungle » de Calais la semaine dernière. Découvre le camp dans le diaporama ci-dessous :
- 3800 personnes s’abritent sous des bâches, des planches et des tentes de fortune (© V. Gire / Milan presse)
- Des points d’eau froide ont été récemment installés dans le camp (© V. Gire / Milan presse).
- Des toilettes chimiques ont récemment été installées (© V. Gire / Milan presse).
- Le matin, dès 9h15, les migrants peuvent prendre une douche chaude. Certains sont là 2 heures avant, pour faire la queue. Pour se déplacer dans le camp, certains possèdent un vélo (© V. Gire / Milan presse).
- « Ici, des vêtements » est écrit dans plusieurs langues (© V. Gire / Milan presse).
- Plus loin, une cabane propose de quoi acheter à manger (© V. Gire / Milan presse).
- Une école d’urgence a été construite dans le camp, par un réfugié et des associations humanitaires (© V. Gire / Milan presse).
- Les adultes aussi peuvent venir apprendre l’anglais ou le français (© V. Gire / Milan presse).
- Un artiste, Alpha, a décoré sa cabane avec des objets de récupération. Il ne veut pas renoncer à pouvoir s’évader à travers son imagination et son art (© V. Gire / Milan presse).
- « Nous sommes du Darfour, et voulons aller en Angleterre. Merci la France ». Les migrants écrivent des messages sur leur cabanes (© V. Gire / Milan presse).
- Petit à petit, l’État français a rasé des parties du camp : il veut reloger les migrants dans ces containers blancs, aménagés en chambres (© V. Gire / Milan presse).
- Entre le camp et l’autoroute : une zone rasée et désertique. Des migrants y jouent au cricket, un jeu anglais qui ressemble au baseball (© V. Gire / Milan presse).
- À l’une des entrées du camp de Calais, des policiers montent la garde. Ils sont un millier à surveiller les accès au tunnel de la Manche, par lequel les migrants tentent de rejoindre l’Angleterre (© V. Gire / Milan presse).
Pourquoi les migrants sont-ils bloqués à Calais ? Et pourquoi veulent-ils aller en Angleterre ? Y a-t-il beaucoup d’enfants dans le camp ? Ton hebdo de la semaine répond à tes questions : une école d’urgence vient d’ouvrir pour les enfants de migrants.