
Jean-François Roger. © Vincent Gire / Milan presse
Jean-François Roger est le directeur de la maison du jeune réfugié de Saint-Omer, une petite ville située dans le Nord-Pas-de-Calais. Ce centre, créé en 2012, est géré par l’association France terre d’asile. Il a déjà accueilli près de 1 500 jeunes de 15 à 18 ans.
1jour1actu : De quels pays viennent les jeunes migrants que vous recueillez ?
Jean-François Roger : Cette année, la moitié des jeunes accueillis au centre arrivaient d’Érythrée, les autres viennent principalement d’Afghanistan, du Soudan, d’Éthiopie ou d’Égypte. Tous fuient des pays où les conditions de vie sont très difficiles en raison de la guerre, mais aussi de la sécheresse.
1jour1actu : Pourquoi arrivent-ils à Calais et dans ses environs ?
J.-F. Roger : La plupart des jeunes rêvent de passer en Angleterre. C’est le but ultime de leur voyage. Parfois, leur famille a payé très cher un passeur. Un voyage peut coûter jusqu’à 15 000 euros ! Ils se retrouvent bloqués dans le camp de Calais ou de Grande-Synthe, près de Dunkerque, en attendant de trouver un moyen de passer de l’autre côté de la Manche (le tunnel sous la Manche part de Calais).
1jour1actu : Pourquoi n’ont-ils plus de famille ?
J.-F. Roger : Ils ne sont pas tous orphelins. Beaucoup ont encore de la famille dans leur pays d’origine. En Afghanistan, à 12 ans, on considère qu’on est quasiment un adulte ! Une fois, j’ai rencontré un Afghan de 12 ans à qui on avait confié la responsabilité d’un petit de 8 ans ! Les familles paient le voyage en espérant que leurs enfants pourront avoir un meilleur avenir dans un pays d’Europe.
1jour1actu : Que faites-vous pour les aider ?
J.-F. Roger : Déjà, nous les mettons à l’abri pour les protéger. Dans le camp de Calais ou celui de Grande-Synthe (à côté de Dunkerque) où ils vivent, les conditions de vie et d’hygiène sont dramatiques. L’hiver, ces jeunes vivent dans la boue et le froid. Ils sont aussi à la merci des passeurs et des trafics. Nous effectuons des maraudes et nous les incitons à venir dans notre centre pour manger, prendre une douche et dormir au chaud.
1jour1actu : Et ensuite, ils repartent ?
J.-F. Roger : Des jeunes vont rester 2 jours, 5 jours, 15 jours… Certains veulent absolument passer en Angleterre et quittent le centre. Ils sont libres, mais notre but est d’instaurer un lien de confiance avec eux pour qu’ils renoncent à leur projet d’aller en Angleterre, s’ils n’ont pas de famille là-bas.
1jour1actu : Et que se passent-ils pour eux, s’ils renoncent à l’Angleterre ?
J.-F. Roger : Les plus âgés logent à plusieurs dans de petits appartements où ils apprennent à devenir autonomes. Ils préparent leurs repas, gèrent un petit budget, tout ça sous l’œil de nos éducateurs.
1jour1actu : Retournent-ils à l’école ?
J.-F. Roger : Oui, c’est le but. Au début, ils suivent des cours de français, puis ils peuvent intégrer un lycée, se préparer à un métier. Ils apprennent à vivre en France, avec leur histoire souvent très difficile. Beaucoup sont extrêmement mûrs et motivés car ils ont déjà enduré un long parcours. Et il y a de beaux exemples de réussite, l’un d’eux par exemple fait des études supérieures à Lille et a eu son bac avec une mention très bien !
Découvre des photos de la maison du jeune réfugié de Saint-Omer :
- Le camp de Calais. © Vincent Gire / Milan presse
- Des containers, construits pour mieux abriter les réfugiés. © Vincent Gire / Milan presse
- Le bord des routes qui mènent au port et au tunnel sous la Manche est grillagé pour empêcher les migrants de monter dans les camions. © Vincent Gire / Milan presse
- Nicolas, éducateur, accueille les jeunes pour la nuit. Il y a quelques heures, la plupart d’entre eux vivaient encore dans le camp de Calais © Vincent Gire / Milan presse
- Au centre, les jeunes peuvent prendre un repas chaud. Certains resteront quelques jours et tenteront à nouveau de passer en Angleterre. D’autres décideront de construire leur avenir en France. © Vincent Gire / Milan presse
- Au centre, les ados peuvent dormir dans un vrai lit, à l’abri. Ils sont répartis en dortoirs, les garçons d’un côté, les filles de l’autre. Ce soir, sur la trentaine de jeunes accueillis, il n’y a que 2 filles. La plupart des jeunes migrants sont des garçons. © Vincent Gire / Milan presse
- Nicolas, l’éducateur, aide un jeune à soigner une blessure à la main. © Vincent Gire / Milan presse
- Distribution des serviettes ! La douche est un moment très attendu après des jours passés dans la boue du camp de Calais. © Vincent Gire / Milan presse
- Avant d’être des migrants, les jeunes sont des ados comme les autres. Casquette, baskets, ils tiennent à préserver leur look malgré leurs conditions de vie. © Vincent Gire / Milan presse
- Souvent, le téléphone portable est ce qu’ils ont de plus précieux, c’est aussi ce qui les relie à leur famille restée dans leur pays d’origine. Avec leur mobile, ils gardent le lien avec le cousin, le frère, l’oncle qu’ils tentent parfois de rejoindre en Angleterre. © Vincent Gire / Milan presse
- Les jeunes en profitent pour aller sur Internet. Au centre, ils peuvent se sentir en sécurité car, dans le camp, ils sont à la merci des passeurs et des trafiquants.© Vincent Gire / Milan presse