Sur l’unique route menant de la capitale d’Australie, Canberra, à la petite ville de Bungendore, c’est le carnage ! Aux pieds des eucalyptus et des mimosas, les carcasses de kangourous et de wombats morts sont un festin pour les corbeaux. Dans la poche de leur mère, en état de choc, leurs bébés sont sauvés de justesse. Grâce à de dévouées mamans « remplaçantes », ces orphelins pourront un jour retourner dans le bush, les espaces sauvages d’Australie.

kangourous bébés orphelins Australie

Michele Bland est américaine, et elle vit en Australie depuis 3 ans. Elle recueille les bébés kangourous orphelins. (© Sophie Greuil)

Bébés élevés au biberon

À la vue de son biberon de lait en poudre, Blossom frétille du museau. Enveloppé dans une polaire, posée au fond d’une poche en laine de mouton, pour être bien au chaud comme dans celle de sa maman, ce kangourou de 4 mois semble revivre. « Quand on me l’a amené, en état de choc après la mort de sa maman, il est resté prostré 2 semaines en position fœtale, raconte Michele Bland, qui recueille ces orphelins. Quand il s’est enfin redressé, nous avons vu sa poche : c’était une femelle, alors que nous pensions que c’était un mâle ! »
Ce bébé a été ramassé au bord de la route par une brigade spécialisée. En voulant fuir un bush sec comme la paille, sa maman s’est rapprochée de la ville de Bungendore, et elle a été écrasée, comme tant d’autres, en pleine nuit. « Certes, la sécheresse due au réchauffement climatique les rabat vers les fermes, parcs, jardins, terrains de sport et golfs, confirme Michele Bland. Mais il y a aussi de plus en plus de fous avec des 4×4 sur les routes. Cette année est la pire de toutes ! »

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Ce panneau avertit les automobilistes que des kangourous peuvent traverser la route à tout moment. (© Sophie Greuil)

Des joeys par milliers

Ce joey, comme on appelle le bébé kangourou en Australie, a donc atterri dans les bras de Michele. Alors, Blossom a fait la connaissance de Sky, River, Opal, Georgia, eux aussi rescapés. « En avoir plusieurs permet aux kangourous d’être tout de suite en tribu, afin qu’ils ne s’habituent pas à l’humain », explique Michele.

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Bien au chaud dans leur nid en tissu, les bébés retrouvent les sensations de la poche ventrale de leur maman. (© Sophie Greuil)


Elle leur donne 4 biberons par jour, équipés d’une tétine spéciale. Pour les nourrir, Michele est obligée d’emmener les trois plus jeunes sur son lieu de travail : « Quand ils sont très jeunes, ils refusent parfois de se nourrir, voire pleurent la nuit. Alors, je mets leur poche dans mon lit pour les rassurer. » Le trio, pattes et queue repliées, roupille dans un grand panier sous son bureau. « Ah, ils sont bien plus sages à garder que des enfants ! », plaisante cette maman de 4 grands enfants. Après chaque tétée, elle leur nettoie l’anus avec un mouchoir, comme le ferait leur maman avec sa langue. Petit à petit, ils quitteront leur poche en tissu et mangeront fruits et légumes avant de retrouver leur liberté.

Un emblème mal-aimé

En Australie, le kangourou est un emblème, comme le coq l’est pour la France. Sur cette île continent, presque aussi grande que l’Europe, ils sont des millions. Ils se reproduisent à grande vitesse, causant souvent des dégâts importants dans les champs. S’ils font rêver en Europe, les kangourous, appelés ici roos, font cauchemarder les Australiens « qui, finalement, ne les aiment pas beaucoup », conclut bien tristement la nouvelle maman de Blossom.

À Canberra (Australie), Sophie Greuil