Un certain brouhaha règne dans les ateliers de L’Outil en main du Loc’h, à Grand-Champ (Bretagne). Tandis que les apprentis-coiffeurs agitent leur sèche-cheveux, le ferronnier tape sur son enclume…
Pas de quoi perturber Chloé, appliquée à fabriquer une petite toupie. Devant elle, une machine fait tourner à toute vitesse un large morceau de bois, que la jeune Bretonne sculpte de la pointe de son outil. « Une gouge à creuser », désigne Jean, sculpteur-ébéniste, qui lui indique comment bien la tenir. « La toupie commence déjà à prendre forme, s’enthousiasme Chloé. Je ne pensais pas que le bois se travaillait aussi facilement. » « C’est de l’if ! », lui précise Jean, ravi de lui faire découvrir son métier.
Partout en France, les associations L’Outil en main font découvrir aux jeunes les métiers manuels et du patrimoine. Avec de vrais outils et assistés d’anciens artisans à la retraite : « Des professionnels qui ont envie d’échanger et de transmettre leurs compétences », explique Tristan Gesret, président de L’Outil en main du Loc’h.

Association Outil en main Lo'ch

Il n’y a pas de métiers pour garçons et d’autres pour filles. Une maille à l’endroit, une maille à l’envers pour Nathan ! (© Stéphanie Biju)

Les garçons à la couture, les filles à la ferronnerie

À Grand-Champ, dix-sept métiers différents sont représentés : plombier, électricien, mécanicien, potier, couturier, cuisinier, maçon, carreleur, menuisier, bijoutier, tapissier-décorateur… Les enfants changent d’atelier tous les trois mercredis. Surtout, « il n’y a pas de métiers réservés aux garçons et d’autres aux filles, insiste Tristan. Les garçons peuvent ainsi tout aussi bien être initiés à la couture et à la coiffure et les filles à la maçonnerie ou l’électromécanique. »
Après avoir justement réparé un grille-pain en électromécanique, puis sculpté une toupie en bois, Chloé va passer à la ferronnerie. « Le métier de ferronnier consiste à travailler le fer, à l’aide du feu et du chaud, pour créer toutes sortes d’objets », explique Alain qui, pour l’heure, aide l’intrépide Thibaud dans la fabrication d’une étagère.  « Ici, sur la barre, il y avait un creux. Je l’ai bouché avec la soudure. Ça fait comme de la lave qui coule. Si tu la touches, tu te brûles », raconte le garçon de dix ans, en brandissant son fer à souder.  « J’adore ! C’est l’un de mes métiers préférés », assure-t-il.

Redorer l’image de l’artisanat

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Même pas peur ! Protégé par son masque, Thibaud, 10 ans, soude une barre de fer. « On dirait comme de la lave qui coule « , observe le garçon, très emballé par le métier de ferronnier. (© Stéphanie Biju)


Ce qu’Ivanhoé a préféré, lui, c’est réparer le moteur d’une voiture, en mécanique. Pas étonnant : l’ado de treize ans veut devenir ingénieur en automobile… La tapisserie-décoration ? « Je connaissais seulement la tapisserie que l’on colle sur les murs », avoue-t-il, tout en enfonçant, à l’aide d’un ramponneau (un petit marteau), des clous décoratifs autour de l’assise d’un tabouret. « Cela demande de l’attention et de la concentration, ça me calme », apprécie-t-il.
Quatre jeunes sur dix qui ont fréquenté une association L’Outil en main, en France, ont mieux su par la suite vers quels métiers se tourner, dans l’artisanat ou autre. Pour Patrice, tapissier-décorateur, ce qui compte d’abord c’est qu’ils en aient une meilleure image des métiers de l’artisanat. « Il y a encore quelques années, les métiers manuels étaient dévalorisés. Mais, aujourd’hui, qu’il soit couvreur, maçon, plombier, électricien… s’il se débrouille bien, un artisan peut vraiment bien gagner sa vie », affirme le tapissier-décorateur avec conviction.

Stéphanie Biju

Du 1er au 7 avril, les 180 ateliers de L’Outil en main organisent des « Portes Ouvertes » en France.