Valérie Masson-Delmotte est co-présidente du Giec, le groupe d’experts qui analyse l’évolution du climat. © DR

1jour1actu : Certains députés considèrent qu’à 16 ans Greta Thunberg est trop jeune pour parler du climat à l’Assemblée nationale. Que répondez-vous à leurs critiques ?

Valérie Masson-Delmotte : Je précise tout d’abord que je ne connais pas personnellement Greta Thunberg. Mais, pour ma part, je trouve qu’on parle trop de son âge alors qu’il faudrait s’intéresser à ses idées.

Pourquoi cela ?

Valérie Masson-Delmotte : Parce que le message de Greta dérange. Elle nous fait prendre conscience de notre manque de courage face au dérèglement climatique : on laisse faire au lieu d’agir efficacement. Mais c’est toujours comme ça… quand le message dérange, on s’en prend au messager.

Donc, pour vous, Greta Thunberg est à sa place à l’Assemblée nationale ?

Valérie Masson-Delmotte : Absolument. Elle est très lucide. Souvent, ce sont les plus jeunes qui peuvent avoir cette lucidité car ils ne sont pas obligés, contrairement aux adultes, de faire des compromis. Ils ont des opinions bien tranchées, pures. Et c’est très précieux pour nous faire avancer.

On pourrait penser qu’elle est influencée…

Valérie Masson-Delmotte : C’est vrai qu’un enfant est fragile de par son âge. Et Greta, en tant que mineure, est encore considérée comme une enfant. Mais elle a fait de sa faiblesse une force. C’est pour ça qu’elle suscite tellement d’intérêt.

Des députés hostiles à sa venue considèrent qu’elle a une vision très sombre de l’avenir.

Valérie Masson-Delmotte : C’est vrai, je le reconnais. Elle joue beaucoup sur la peur. Je trouve ça un peu lourd et même dangereux car, lorsque l’on a trop peur, on préfère fermer les yeux. Je préfère, pour ma part, parler de tout ce que l’on peut faire, grâce à la science notamment, pour trouver des solutions. Il y a tant d’idées à mettre en œuvre !

On reproche aussi à Greta de faire le show, de jouer à la star…

Valérie Masson-Delmotte : Non, elle est juste courageuse. Elle s’expose à énormément de reproches, et même de haine. Moi-même, je renonce souvent à répondre aux journalistes ou à intervenir car beaucoup de personnes préfèrent critiquer tout ce que l’on peut faire au nom du climat.

Qu’attendez-vous de ce débat en tant que scientifique ?

Valérie Masson-Delmotte : Je suis ravie car je vais pouvoir parler de notre travail. Quand, avec d’autres experts, nous avons publié notre rapport sur le climat, nous n’avons pas été invités par les députés pour en parler. Je trouve formidable que ce soit la jeunesse qui nous ouvre les portes de l’Assemblée.

Cette jeunesse a-t-elle tous les droits pour mener sa lutte contre le climat ?

Valérie Masson-Delmotte : Elle a beaucoup de droits, mais je suis opposée à la grève de l’école que défend Greta Thunberg. Aucune cause ne peut justifier qu’on manque l’école. Il faut apprendre, c’est essentiel. En revanche, que Greta intervienne pendant les vacances scolaires, c’est parfait !