Justine Atlan est directrice de l’association e-Enfance, qui a pour but de protéger les enfants sur Internet. (D.R.)

Que se passe-t-il contre les élèves de 6?

Justine Atlan : Il est difficile de savoir exactement comment cela a commencé. Il est possible que cela ait pris de l’ampleur avec une vidéo postée par une jeune fille de 11 ans. Elle y interprète une petite chanson sympa dans laquelle elle se vante d’être née en 2010. La vidéo a été reprise sur TikTok et sur Twitter avec des hashtags comme #anti2010 ou #policeanti2010 pour se moquer et parfois même insulter les enfants nés en 2010. Parallèlement, sur le jeu Fortnite, des joueurs plus âgés reprochent à des joueurs plus jeunes, nés en 2010, de ne pas respecter les règles.

Vous avez déjà observé du harcèlement qui s’en prenait à une classe d’âge ?

Justine Atlan : Ce n’est pas la première fois que le harcèlement cible un groupe. Parfois, c’est en fonction de son origine, on parle alors de racisme.
C’est un peu le principe des réseaux sociaux de mettre les gens dans des catégories. Cela permet de créer des communautés. Parfois, c’est bien. Mais, d’autres fois, c’est dangereux, car cela peut provoquer des appels à la haine, comme c’est le cas ici, pour les 6es. Heureusement, les 6es peuvent être solidaires entre eux.

Mais pourquoi les 6es ?

Justine Atlan : Parce que ce sont les nouveaux arrivants au collège. 11 ans, c’est un âge où l’on est plus vulnérable. On se retrouve dans un environnement nouveau. On doit intégrer de nouvelles règles : changer de classe et de professeur toutes les heures, gérer un emploi du temps, etc. Ce n’est pas facile à vivre.

11 ans, c’est un âge si difficile ?

Justine Atlan : À 11 ans, on commence à avoir envie d’être reconnu par ceux de notre âge, plus que par nos parents. Alors, on essaie de jouer avec des codes qu’on ne maîtrise pas encore, et c’est normal. Par exemple, s’habiller comme les copains ou comme les plus grands que l’on voit dans la cour. On veut aussi parler comme eux, bouger comme eux… Mais les plus grands, les 4es ou 3esrejettent les plus jeunes pour montrer qu’eux ils savent. C’est souvent parce qu’au fond ils manquent de confiance en eux.

Est-ce que ce harcèlement anti-2010 est inquiétant ?

Justine Atlan : On ne le sait pas encore. Il faut voir si ça va durer ou si ça va encore prendre de l’importance. Mais, dans tous les cas, ce phénomène a permis de mettre en lumière le bizutage que des élèves de 6e peuvent vivre, et les inciter à en parler.
Et nous, adultes, nous devons nous demander si nous sommes assez présents pour les enfants qui entrent en 6e. De plus, notre rôle est d’expliquer à tous les enfants comment bien se comporter sur les réseaux sociaux. Comme dans la vraie vie, on n’a pas le droit de dire ou de faire n’importe quoi. Et il faut rappeler que le harcèlement est puni par la loi.

 

Le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, a posté une vidéo sur Twitter pour défendre les élèves de 6e, leur souhaiter la bienvenue au collège, et lancer le hashtag #bienvenueaux2010.

Depuis, le hashtag #anti2010 a été banni des réseaux sociaux, pour stopper cette vague de haine envers les élèves nés en 2010.

Propos recueillis par Nathalie Michel