1jour1actu : Pourquoi le loup vous fascine-t-il autant ?
Jean-Michel Bertrand : Dire que, de nos jours, certains pensent encore qu’il mangeait les enfants au Moyen Âge ! Je ne comprends pas le mythe qu’il y a autour du loup. Dans la réalité, c’est un animal qui vit tranquillement, et surtout le plus loin possible des hommes, qu’il craint et qu’il fuit. D’ailleurs, en Europe, aucun réalisateur avant moi n’avait réussi à le filmer d’aussi près.
Aucun, vraiment ? Mais, pourtant, on voit plein de loups dans les films et les documentaires.
Jean-Michel Bertrand : Oui, mais ce sont tous, sans exception, des loups apprivoisés ou semi-apprivoisés. Ils ont l’habitude des humains. Ceux que j’ai filmés évoluent à l’état sauvage, en meute. Une meute, c’est comme une famille : il y a un couple, et leurs enfants. Les enfants grandissent et, au bout d’un an environ, certains quittent leurs parents tandis que d’autres restent afin de les aider à élever les futurs bébés.
Où les avez-vous trouvés ?
Jean-Michel Bertrand : J’ai tourné dans une vallée des Hautes-Alpes que je connais bien. J’ai grandi dans cette région, j’y habite encore. C’est un lieu très reculé : l’été, je marchais 2 heures et demie pour y accéder ; l’hiver, il me fallait 4 heures, en me déplaçant à skis de randonnée. Chamois, cerfs, sangliers… le gibier abonde là-bas, je pressentais donc qu’il y avait des loups, mais je n’avais aucune certitude. Et j’ai débuté les prises de vue sans savoir si j’allais en trouver. Le film est conçu comme une longue enquête. J’ai guetté leurs traces de pattes sur le sol, et même leurs crottes, afin d’arriver jusqu’à eux.
Quelle sensation avez-vous éprouvée en apercevant votre premier loup ?
Jean-Michel Bertrand : C’est l’émotion de ma vie, comme un coup de poignard. J’étais tellement heureux que je tremblais, je n’arrivais plus à tenir la caméra. J’ai dû camper, seul, des mois durant, au même endroit, avant de les voir. C’est parce que j’ai réussi à me fondre dans le paysage qu’ils ont, petit à petit, cessé de se méfier de moi.
Que faisiez-vous toute la semaine dans votre tente ?
Jean-Michel Bertrand : J’étais dans un état second. Je dormais, je lisais, j’observais les insectes, les fourmis. Dans ces moments-là, on ressent combien la nature est un cadeau merveilleux. Contemplons-la, essayons de la préserver, au lieu de passer notre temps à consommer. Mon enquête m’a permis de réfléchir sur notre monde. Sur qui je suis, aussi. J’ai vécu des moments inoubliables.
Propos recueillis par Laurent Djian
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