Pierre Rigoulot

Pierre Rigoulot (D.R.)


Pour comprendre ce qui se passe à Cuba, 1jour1actu a interviewé Pierre Rigoulot, un chercheur spécialisé dans l’histoire du mouvement communiste, et l’auteur du livre La Véritable histoire d’Ernesto Guevara (Larousse, 2010).
 

1jour1actu : Pourquoi Cuba et les États-Unis se réconcilient-ils maintenant ?

Pierre Rigoulot : D’abord parce que le pape a écrit au président américain, Barack Obama, et au président cubain, Raúl Castro, pour leur demander de se réconcilier. Et puis Obama a envie de laisser une trace positive dans l’histoire : il restera le président américain qui s’est rapproché de Cuba après 54 ans de brouille.
 

1jour1actu : Qu’est-ce que ce rapprochement va apporter aux deux pays ?

P. R. : Chacun a des intérêts différents. Les États-Unis espèrent se développer économiquement à Cuba, y installer des entreprises, par exemple. Quant à Cuba, il pense à l’avenir : jusqu’à présent, le Venezuela l’aidait beaucoup. Mais aujourd’hui, ce pays connaît des difficultés économiques, et cette aide pourrait prendre fin. Donc, Cuba a tout intérêt à s’ouvrir et à se rapprocher des États-Unis.
 

1jour1actu : Pourquoi les deux pays avaient-ils rompu leurs relations en 1961 ?

P. R. : Dans les années 1950, des sociétés américaines étaient installées sur l’île et y exploitaient les cannes à sucre, les bananiers… Quand Fidel Castro a pris le pouvoir en 1959, il a décidé que les entreprises américaines de l’île deviendraient propriétés de l’État cubain. Et il a signé des accords économiques avec la Russie, qui était à l’époque le grand ennemi des États-Unis. Tout cela n’a pas du tout plu aux Américains, qui ont décidé de lancer un embargo sur Cuba.
 

1jour1actu : Quelle a été la conséquence de cette rupture ?

P. R. : La mise en place de l’embargo ! Il a empêché de nombreuses entreprises américaines de vendre leurs produits à Cuba. Les Cubains ont été privés de beaucoup de choses : de produits alimentaires, de voitures, de médicaments… Cette rupture a aggravé la situation économique dans l’île.
 

1jour1actu : Comment les Cubains ont-ils vécu pendant ces 50 années d’embargo ?

P. R. : Ils ont connu, et connaissent encore, des problèmes d’argent. Leur vie est pauvre et compliquée. La majorité des logements sont vieux, et si un Cubain veut changer d’habitation, il doit demander une autorisation. Cuba est un État communiste : il interdit le profit personnel. Il est impossible de déménager pour aller gagner plus d’argent ailleurs.
Les Cubains vivent sous surveillance : ils ne peuvent lire que les journaux de l’île, dont les infos sont contrôlées par l’État, ils ne reçoivent pas les journaux étrangers, n’ont quasiment pas accès à Internet et ne peuvent pas se déplacer comme ils le veulent.
Mais les Cubains sont très fiers de certaines choses : leur système de santé et leur système d’éducation, qui sont gratuits.
 

1jour1actu : Qu’est-ce que ce rapprochement va changer dans la vie des Cubains ?

P. R. : D’abord, il va attirer des entreprises étrangères, dont des entreprises françaises, et développer encore plus le tourisme. Cela va créer des emplois, rapporter de l’argent à Cuba et l’obliger à faire des travaux pour améliorer ses routes, par exemple. Les Cubains vont être moins coupés du monde.
Mais même si les Cubains rêvent d’une vie meilleure, ils aiment beaucoup leur île. Je ne pense pas qu’ils soient prêts à changer complètement de vie du jour au lendemain. Leur ouverture au monde va prendre un peu de temps. À moins que la nouvelle génération s’impatiente !
 
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