Drôle de sport

Lors des ateliers, les filles apprennent les bases. Ici, elles font la tour Eiffel avec leurs bras pour s’entraîner à se faire passer le ballon. (© Natacha Scheidhauer)


« Passe derrière, passe derrière ! », s’époumone Margot, l’éducatrice sportive. Pas facile pour ces débutantes, évidemment tentées d’envoyer le ballon vers l’avant ! Il faut dire que le rugby est un sport bizarroïde : outre que le ballon n’y est pas rond, il avance « en reculant ». « On doit le donner à nos coéquipières dans notre dos, mais on n’y pense pas toujours, explique Sanaa. En plus, des fois, les coéquipières sont mal placées et on en trouve devant nous. Ça n’aide pas ! » Sanaa fait partie de la centaine de filles qui ont envahi le terrain une demi-heure plus tôt. Tous les mardis, après l’école, elles arrivent au stade de la Faourette, à Toulouse, accompagnées par les animateurs de l’association Rebonds !
Fondée par deux anciens joueurs de rugby, l’association fait découvrir ce jeu aux jeunes des cités. « Le rugby est moins connu dans les villes que le foot. Et les enfants n’ont souvent jamais touché un ballon ovale, explique Laura, la coordinatrice. Nous organisons donc des initiations dans les écoles et les CLAE, du CE2 au CM2, et ensuite nous proposons aux enfants intéressés de nous rejoindre pour un entraînement hebdomadaire. »

Même pas peur !

(© Rebonds)


Mais voilà, au fil des années, Rebonds ! s’est aperçu que peu de filles poursuivaient en dehors de l’école alors qu’elles semblaient avoir apprécié les séances d’initiation. Pourquoi ? « Le rugby souffre encore trop souvent d’une réputation de sport dangereux. Et beaucoup pensent qu’il est plus adapté aux garçons », regrette Laura. Ainsi, les filles sont encore très peu nombreuses à le pratiquer en France. Elles représentent seulement 6 % des licenciées de la Fédération française de rugby. Celles qui choisissent le rugby doivent braver les idées reçues et convaincre leurs parents de les laisser jouer. C’est pour les aider que Rebonds ! a mis en place « L’Essai au Féminin », des entraînements exclusivement réservés aux filles. « Ça rassure les parents de savoir qu’elles jouent entre elles », explique Laura. Sur le terrain, les joueuses en herbe confirment : « Les garçons, ils la jouent solo et se font les passes entre eux », râle Chahinez. Tandis qu’une autre ajoute : « Ils ne sont pas fair-play. Les filles, elles passent à tout le monde. » Même si elles n’en sont qu’à leur quatrième séance depuis la rentrée, elles ont déjà découvert le plaquage, et ça ne leur fait même pas peur. Jouer ensemble leur permet de prendre confiance en elles avant de rejoindre des équipes mixtes en club pour les plus motivées.

Bienvenue à toutes

(© Natacha Scheidhauer)


 
En attendant, l’échauffement et les ateliers terminés, il est temps d’enfiler les chasubles pour le minimatch. Orange contre vert, les filles s’affrontent dans de grands éclats de rire. Et, même si les règles ne sont pas encore tout à fait connues, elles se régalent visiblement à courir à perdre haleine pour tenter de marquer un essai. « Le rugby est un sport qui donne beaucoup de plaisir, explique Laura, qui joue elle-même dans le club de Blagnac, dans la banlieue de Toulouse. On peut le pratiquer quel que soit son gabarit. Qu’on soit grande, petite, mince, ronde, il y a une place pour chacune. » On y apprend aussi l’esprit d’équipe et la solidarité.
 
 
 
 

(© Natacha Scheidhauer)


Mais c’est déjà l’heure ! Un coup de sifflet annonce la fin de la séance. Un rapide bilan pour faire le point avec l’animatrice et voir ce que l’on pourra améliorer la prochaine fois, puis les filles prennent le chemin du retour en minibus, en voiture ou à pied, selon leur nombre et la distance à parcourir. Il ne faut pas traîner, car les parents les attendent à l’école. Rendez-vous la semaine prochaine !

Natacha Scheidhauer

Tu as tout compris ? Réponds à ce quiz pour le vérifier…