Iran États-Unis1jour1actu : Les actes d’agression entre les États-Unis et l’Iran se multiplient. Mais quelle est l’origine de ce profond désaccord ?

Thierry Coville : Pour comprendre, il faut revenir 67 ans en arrière. En 1953, en effet, les services secrets américains opèrent un coup d’État en Iran. Comme ils ne sont pas d’accord avec une décision prise par le Premier ministre de ce pays, ils… le remplacent par un autre Premier ministre. C’est un grave traumatisme pour les Iraniens. De là va naître un profond sentiment antiaméricain.

Vous voulez dire qu’à partir de là, les Iraniens ont l’impression d’être sous la domination américaine ?

Thierry Coville : Oui, complètement, et ce sentiment va grandir jusqu’en 1979. Le 11 février de cette année-là, les islamistes prennent le pouvoir. Pourquoi la population soutient ce pouvoir alors qu’il est autoritaire et qu’il défend un islam radical ? Principalement parce qu’il proclame sa haine de l’Amérique.

Et les États-Unis ? D’où leur vient leur rejet de l’Iran ?

Thierry Coville : À la fin de cette année 1979, une cinquantaine d’Américains sont pris en otage à l’intérieur de l’ambassade des États-Unis en Iran. Certains resteront prisonniers plus de 400 jours. C’est une humiliation pour les États-Unis. Et c’est le début d’une longue suite de sanctions que l’Amérique va infliger à l’Iran. Par exemple, en lui interdisant de vendre son pétrole sur le sol américain.

Personne ne peut-il siffler la fin de la partie pour repartir sur de nouvelles bases ?

Thierry Coville : C’est ce qu’a tenté de faire le précédent président américain, Barack Obama, en proposant un accord : si l’Iran mettait fin à son programme nucléaire, alors les sanctions seraient levées. Ainsi, en 2015, un accord très important a été signé entre l’Iran, les États-Unis, la Chine, la Russie, la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne.

Et ça n’a pas marché ?

Thierry Coville : Pas vraiment, car, à son arrivée au pouvoir, Donald Trump a décidé de ne pas respecter cet accord jugé « pourri » et il a interdit aux autres pays de faire du commerce avec l’Iran.

Comment expliquer que Trump soit si hostile aux Iraniens, comme l’assassinat du général Soleimani en apporte encore la preuve ?

Thierry Coville : Je pense que c’est parce que Trump ne remonte pas assez loin dans l’histoire. Il bloque sur le fait que les Américains ont été humiliés par l’Iran en 1979. Alors il montre que lui, Donald Trump, ne se laissera pas faire. Il ne veut pas avoir l’air faible. Il montre les muscles.

Pensez-vous qu’il peut y avoir la guerre entre ces deux pays ?

Thierry Coville : Aucun ne la veut. Trump ne veut pas la guerre, car ses électeurs lui en voudraient de dépenser de l’argent dans cette région lointaine plutôt que de l’utiliser pour développer le pays. Et l’Iran n’a pas les moyens de déclarer la guerre aux États-Unis. Mais les Iraniens sont obligés de riposter : n’oublions pas que c’est la première fois qu’un responsable iranien de très haut niveau est tué par les Américains. Alors que se passera-t-il après ? Malheureusement, quand on joue au « puisque tu m’as fait ça, je te fais ça », le risque est que les choses deviennent incontrôlées, et dérapent.

Propos recueillis par Catherine Ganet

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